Les chapitres Prélude IV Éléments techniques pour la mise en œuvre d'un "ventilateur intelligent"
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Fabrication Dans la troisième partie de cet ouvrage, j'expose en détail les méthodes que j'ai employées pour construire les orgues décrits précédemment. Il existe de nombreux traités de facture d'orgues et on peut douter de l'intérêt d'aborder à nouveau le sujet. J'insiste sur le contexte de ma démarche : elle ne s'adresse aucunement à des facteurs professionnels, mais à des amateurs qui, avec des moyens modestes (temps, techniques matériaux, budjet…), désirent créer « ex nihilo » leur instrument. La quasi totalité des tuyaux présents dans mes cinq orgues est constituée de tuyaux à embouchure de flûte, tous en bois. En général, dans la plupart des instruments traditionnels, une bonne partie de la tuyauterie est faite d'étain et de plomb mais, ne sachant pas maîtriser cette facture, que je réserve aux spécialistes, j'ai pris le parti de faire tous les tuyaux en bois, du plus grand (Do1 8' bouché – longueur environ 1,20m) au plus petit (Ré5 du jeu de tierce 1'3/5 – long d'environ 0,01m) (*) Si les tailles des tuyaux en bois sont très variées, leur structure est toujours la même; le mode de fabrication est donc identique pour tous. |
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(*) J'ai essayé, autrefois, de réaliser des tuyaux en alliage plomb-étain. La fonte du métal, la coulée des feuilles, leur conditionnement pour aboutir aux tuyaux constituent un réel métier que je n'ai pas su maîtriser. J'ai donc décidé de tout faire en bois en gardant une admiration nostalgique devant tous ces tuyaux argentés qui peuplent la majorité des instruments. |
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Corps du tuyau Un tuyau en bois se compose de 4 planches rectangulaires et allongées, bien rabotées sur les 2 faces. Il faut prendre du bois très sec, si possible sans nœuds et sans fissures. Trois planches ont exactement la même longueur. La quatrième est un peu plus courte, c'est elle qui va constituer le devant du tuyau. Elle est taillée en coin, à son extrémité inférieure, (j'évite volontairement d'écrire « taillée en biseau » parce que, comme on va le voir plus loin, il y a une partie importante interne au tuyau qui porte le nom de biseau il faut donc éviter toute confusion.) On pourrait dire que l'on taille cette planche «en talus » (**). C'est le terme employé par Dom Bédos- en réalité, il écrit un « talut (sic) coupé bien proprement » !-) Ce « talus », qui sera disposé à l'extérieur du tuyau, occupe une longueur voisine de la largeur de la planche. C'est lui qui constitue la lèvre supérieure du tuyau. Il faut couper son arrète avec soin pour lui donner un tranchant propre et régulier. Les bords des planches latérales sont rabotés pour être bien rectilignes et donner aux planches la même largeur. C'est sur ces bords que l'on dépose la colle. Pour les petits tuyaux, je maintiens l'assemblage des planches à l'aide de plusieurs serre-joints que j'enlève après séchage de la colle, pour les plus gros, j'utilise toujours des serre-joints mais il m'arrive aussi de consolider l'assembage à l'aide de quelques clous ou vis qui seront cachés lors de l'achèvement définitif du tuyau. |
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(**) Si le mot talus a pour premier sens : terrain en pente, on trouve aussi dans le dictionnaire : tailler en talus, obliquement. |
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Le corps du tuyau étant achevé, je pose le biseau. C'est une planchette èpaisse de 4 à 5 mm pour les petits tuyaux et de 10 mm pour les plus gros. Elle occupe toute la section intérieure et est collée sur 3 côtés (***). L'angle du biseau est voisin de 45°. La fibre du bois est choisie parallèle à l'arrête du biseau. Le biseau dépasse de quelques millimètres à l'extérieur. Il sera arasé et affiné après séchage de la colle. Je mène cette opération délicate et très importante avec une lime très fine : c'est cela qui va conditionner la qualité sonore du tuyau. Le trait bleu montre l'orientation à donner à la lime pour achever le biseau. Le dessin, à droite, donne le profil du biseau, il fait apparaître un très léger chanfrein pour « casser » l'arrête. Un bourdon avec un pied court de 4 cm. Deux doublettes avec des pieds de 10 cm.
Quatre bourdons en bois. La planchette qui constitue la lèvre inférieure du second tuyau de gauche est enlevée, ce qui permet de distinguer le biseau.
Pour les tuyaux « ouverts » il n'y a évidemment pas besoin de construire de bouchon ! Il faut toutefois fixer une petite plaque de plomb à l'extrémité de chaque tuyau pour pouvoir l'accorder. Il est, en effet, impossible de couper un tuyau en bois à une longueur correspondant à un accord rigoureux. Si, même, cela était possible, les variations saisonnières de température modifient la hauteur du son ; on doit donc pouvoir réaccorder finement chaque tuyau. La petite feuille de plomb ferme très légèrement le tuyau : plus on le ferme, plus la fréquence baisse, à l'inverse, pour monter la fréquence, il suffit d'ouvrir légèrementla languette. Le plomb ne présentant pas d'élasticité, cela permet un accord très précis.
Languettes de plomb pour l'accord des tuyaux ouverts en bois.
Remarque
Il est usuel de réaliser la lèvre supérieure selon la photo ci-dessus, en creusant la planche avec un ciseau à bois pour façonner la lèvre supérieure et en laissant deux rebords de part et d'autre de la bouche. Il me semble qu'il est beaucoup plus facile et rapide de faire comme le montre la photo ci-dessous , c'est à dire sans laisser de rebord. Si la méthode habituelle peut créer un « effet d'oreilles » de part et d'autre de la bouche, ma méthode simple ne semble pas apporter de dégradation dans la qualité des sons émis (il est facile de disposer deux petites pièces de bois de part et d'autre de la bouche pour en faire l'expérience !).
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(***) C'est la distance entre l'arrête de la lèvre supérieure et celle du biseau qu'on appelle la hauteur de la bouche. Pour les tuyaux ouverts, on la prend égale à 1/5 de la largeur de la bouche et pour les tuyaux bouchés, cette hauteur est 1/4 de la largeur. | |||||||||||
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